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Licenciement économique

Un licenciement pour motif économique est sans cause réelle et sérieuse en cas de faute ou de légèreté blâmable de l’employeur

Une décision de la Cour de cassation nous rappelle dans quelles circonstances une erreur de gestion ou une légèreté blâmable de l’employeur peut rendre un licenciement pour motif économique sans cause réelle et sérieuse.

De fait, lorsqu’un salarié conteste son licenciement pour motif économique, les juges ne peuvent pas contrôler les choix de gestion ou stratégiques opérés par l’employeur pour déterminer si les difficultés économiques auraient pu être évitées (cass. soc. 14 décembre 2005, n° 03-44380, BC V n° 365). S’il n’est pas possible de reprocher à l’employeur une erreur de gestion, la donne est toute autre en cas de légèreté blâmable.

La Cour de cassation a effectivement déjà jugé que la fermeture définitive et totale d’une entreprise ou de la filiale d’un groupe ne constitue pas un motif de licenciement économique lorsqu’elle est due à la légèreté blâmable de l’employeur (cass. soc. 10 octobre 2006, n° 04-43453, BC V n° 296 ; cass. soc. 1er février 2011, n° 10-30045, BC V n° 42). Hors contexte de la fermeture d’une entreprise, elle a déjà relevé que les difficultés financières d’une entreprise ne devaient pas résulter d’une faute (cass. soc. 26 janvier 1994, n°92-43616, BC V n° 26).

Cette affaire est dans le prolongement de ces décisions.

Un groupe était organisé en 3 divisions industrielles. La holding d’une de ces 3 divisons, composée de 31 sociétés, avait licencié une salariée pour motif économique à une période où elle faisait l’objet d’un plan de sauvegarde et où la plupart de ses filiales françaises faisaient l’objet de liquidations judiciaires.

La salariée avait alors saisi les juges d’une demande de nullité de son licenciement en soutenant que la société à la tête du groupe était coemployeur et qu’elle n’avait pas élaboré de plan de sauvegarde de l’emploi. À titre subsidiaire, la salariée soutenait que son licenciement devait être reconnu sans cause réelle et sérieuse puisque le motif économique invoqué résultait d’une faute et à tout le moins d’une légèreté blâmable de son employeur.

C’est sur ce motif subsidiaire que la Cour de cassation se prononce ici, les juges du fond ayant donné gain de cause à la salariée.

La Cour a rappelé le constat fait par les premiers juges dans l’exercice de leur pouvoir souverain d’appréciation : la holding avait fait procéder à une remontée de dividendes de la part des sociétés filiales françaises, dans des proportions manifestement anormales et alors que certaines d’entre elles étaient déjà en situation déficitaire et que d’autres avaient des besoins financiers pour se restructurer et s’adapter à de nouveaux marchés. Ces remontées importantes opérées par l’actionnaire, réduisant considérablement les fonds propres et les capacités d’autofinancement de ces sociétés filiales, avaient provoqué leurs difficultés financières et par voie de conséquence celles de la holding dont l’activité était exclusivement orientée vers les filiales.

La Cour de cassation en a déduit que les juges du fond avaient légitimement conclu que les difficultés économiques invoquées à l’appui du licenciement résultaient d’agissements fautifs de l’employeur, allant au-delà des seules erreurs de gestion.

Le licenciement était donc bien sans cause réelle et sérieuse.

Notons enfin que cette décision est à rapprocher des trois autres arrêts rendus le même jour et portant sur des faits relativement proches (des sociétés exsangues, « lâchées » par leur société-mère). Ces quatre décisions abordent plus ou moins directement de la notion de coemploi (cass. soc. 24 mai 2018, n° 16-22881 FSBP ; cass. soc. 24 mai 2018, n° 16-18621 FSPB ; cass. soc. 24 mai 2018, n° 17-15630 FSPB).

Sur ce point, justement, on notera que la Cour de cassation ne répond pas à l’argument de la salariée selon lequel la société-mère avait la qualité de coemployeur et, à ce titre, aurait dû élaborer un plan de sauvegarde de l’emploi, de sorte que son licenciement, intervenu en l’absence de PSE, était nul (c. trav. art. L. 1235-11).

Le silence de la Cour de cassation n’étonne guère. Il convient en effet de rappeler que la notion de coemploi obéit à une logique strictement indemnitaire : elle a essentiellement pour objectif de mettre le coemployeur à contribution pour le paiement des indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (cass. soc. 6 juillet 2016, n° 15-15481 FSPB).

Dans cette logique, le Conseil d’État s’est refusé à recourir à la notion de coemploi pour déterminer, par exemple, si la société-mère aurait dû élaborer le PSE conjointement avec la filiale (CE 17 octobre 2016, n° 386306). Dans cette affaire, en ne répondant pas à l’argument de la salariée, la Cour de cassation semble implicitement marcher dans les pas du Conseil d’État et cantonner la notion de coemploi à la question du paiement des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Cass. soc. 24 mai 2018, n° 17-12560 FSPB

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