Dépêches

j

Social

Travailleurs détachés

Détachement transnational de travailleurs : la directive européenne « détachement » de 1996 est révisée

Les règles de l’Union européenne (UE) sur le détachement de travailleurs effectué dans le cadre d’une prestation de services ont été révisées, après 2 ans d’âpres négociations entre pays de l’Ouest et pays de l’Est. Le texte qui vient modifier la directive « détachement » du 16 décembre 1996 a été publié au Journal officiel de l’UE du 9 juillet 2018.

La nouvelle directive publiée le 9 juillet 2018, qui entrera en vigueur le 29 juillet prochain, laisse aux États membres 2 ans, jusqu’au 30 juillet 2020, pour transposer ses dispositions en droit interne.

Notons qu’elle ne s’appliquera au secteur du transport routier qu’une fois modifiée la législation européenne sectorielle spécifique. D’ici là, la directive initiale de 1996 reste applicable à ce secteur.

Aperçu des 4 points à retenir de la nouvelle législation.

Égalité de rémunération entre travailleurs détachés et travailleurs locaux

Jusqu’à présent, en matière de rémunération, la directive de 1996 imposait simplement aux États membres de garantir aux travailleurs détachés le bénéfice du taux de salaire minimal applicable dans le pays d’accueil, y compris les majorations pour heures supplémentaires.

À l’avenir, et pour limiter le dumping social, les travailleurs détachés bénéficieront du principe d’égalité de traitement en matière de rémunération. À cet égard, la notion de « rémunération » s’entend de tous les éléments de rémunération rendus obligatoires dans l’État d’accueil par des lois, des textes réglementaires, des accords interprofessionnels ou des conventions collectives de branche (ne sont pas visés les éléments de rémunération prévus par des accords d’entreprise).

Les États membres devront publier sur un site internet national officiel unique les informations sur les éléments constitutifs de la rémunération. Il sera, le cas échéant, tenu compte du défaut d’information afin de fixer la sanction encourue par les employeurs de travailleurs détachés contrevenants.

Selon l’exposé de la directive, pour comparer la rémunération des travailleurs détachés avec celle versée aux travailleurs locaux, il faudra tenir compte du montant brut de la rémunération, c’est-à-dire comparer les montants totaux bruts des rémunérations plutôt que les éléments constitutifs individuels de la rémunération qui sont rendus obligatoires, comme le prévoit la directive.

Notons que ne peuvent être imputées sur la rémunération du travailleur détaché les sommes versées en remboursement des dépenses encourues du fait du détachement (dépenses de voyage, de logement et de nourriture). En revanche, les indemnités de détachement non liées à un remboursement de frais doivent être incluses dans la rémunération du travailleur détaché et prises en compte aux fins de la comparaison.

Un « noyau dur » de droit du travail renforcé pour les travailleurs détachés

Les travailleurs détachés doivent bénéficier d’un « noyau dur » de règles du droit du travail applicables dans l’État d’accueil. Ce « noyau dur » portait jusqu’alors sur :

-les périodes maximales de travail et les périodes minimales de repos ;

-la durée minimale des congés annuels payés ;

-les taux de salaire minimal, y compris ceux majorés pour les heures supplémentaires (remplacé par le principe d’égalité de traitement en matière de rémunération : voir ci-avant) ;

-les conditions de mise à disposition des travailleurs, notamment par des entreprises de travail intérimaire ;

-la sécurité, la santé et l’hygiène au travail ;

-les conditions de travail et d’emploi des femmes enceintes et des femmes venant d’accoucher, des enfants et des jeunes ;

-l’égalité de traitement entre hommes et femmes et la non-discrimination.

À l’avenir, le « noyau dur » portera aussi sur :

-les conditions d’hébergement des travailleurs lorsque l’employeur propose un logement aux travailleurs éloignés de leur lieu de travail habituel ;

-les allocations ou remboursement de dépenses en vue de couvrir les dépenses de voyage, de logement et de nourriture des travailleurs éloignés de leur domicile pour des raisons professionnelles (ce point concerne uniquement les dépenses encourues par les travailleurs détachés lorsqu’ils doivent se déplacer vers ou depuis leur lieu de travail habituel dans l’État d’accueil, ou lorsqu’ils sont temporairement envoyés par leur employeur de ce lieu de travail habituel vers un autre lieu de travail).

Pour l’ensemble de ces matières, les travailleurs détachés doivent se voir appliquer sur le fondement de l’égalité de traitement non seulement les règles fixées par la loi et les dispositions réglementaires de l’État d’accueil (en France, pour l’essentiel, les règles fixées par le Code du travail), mais également celles prévues par les accords interprofessionnels et les conventions collectives de branche et ce pour tous les secteurs d’activité. Jusqu’à présent, l’application des conventions collectives aux travailleurs détachés concernait uniquement le secteur de la construction.

Application de l’ensemble du droit du travail local en cas de détachement de longue durée

La nouvelle directive prévoit que les règles particulières relatives au détachement ne peuvent s’appliquer que pour une durée maximale de 12 mois, avec une prolongation possible de 6 mois moyennant la notification d’un justificatif par le prestataire de services (soit 18 mois maximum).

Au-delà de cette durée, les travailleurs détachés devront se voir appliquer l’ensemble des règles régissant les conditions de travail et d’emploi du pays du lieu de travail (et pas seulement les règles du « noyau dur »). En France, il s’agira pour l’essentiel du Code du travail, des accords nationaux interprofessionnels et des conventions collectives de branche (les accords d’entreprise ou assimilés ne seront pas pris en compte). Par exception, les règles relatives à la conclusion et à la fin du contrat de travail, y compris les clauses de non-concurrence, et aux régimes complémentaires de retraite professionnels ne seront pas concernées.

Pour éviter tout abus de droit, la directive prévoit que si l’employeur remplace un travailleur détaché par un autre pour effectuer la même tâche au même endroit, il faut additionner la durée de détachement de chacun des travailleurs pour vérifier la durée maximale de détachement.

Droits des travailleurs détachés intérimaires

La directive renforce les droits des travailleurs détachés intérimaires.

Elle prévoit que les entreprises de travail intérimaire détachant des travailleurs auprès d’entreprises utilisatrices sur le territoire national devront à l’avenir garantir à ces travailleurs les mêmes conditions de travail et d’emploi qu’aux travailleurs intérimaires locaux.

La directive d’origine de 1996 laissait aux États membres la faculté de décider de garantir ou non l’application des règles locales aux intérimaires détachés.

L’entreprise utilisatrice devra informer l’entreprise de travail temporaire des conditions de travail et d’emploi qu’elle applique à ses travailleurs en matière de travail et de rémunération (les travailleurs intérimaires devant bénéficier des mêmes conditions de travail et d’emploi que les salariés de l’entreprise utilisatrice).

Par ailleurs, pour mieux encadrer les « doubles détachements », le nouveau texte prévoit que lorsqu’un travailleur intérimaire détaché dans un État membre auprès d’une entreprise utilisatrice, est envoyé par cette dernière sur le territoire d’un autre État membre dans le cadre de la prestation de services transnationale, il est considéré comme étant détaché sur le territoire de ce nouvel État membre. L’entreprise utilisatrice doit informer l’entreprise de travail intérimaire de cette situation en temps utile avant le début du travail, afin de lui permettre d’appliquer, s’il y a lieu, des conditions de travail et d’emploi plus favorables au travailleur détaché.

Transposition par ordonnance

Enfin, on notera que dans le cadre de l’examen du projet de loi « Avenir professionnel », le gouvernement a déposé un amendement visant à l’habiliter à transposer la directive en droit français par ordonnance, dans les 6 mois qui suivront la promulgation de la loi.

Dir. 2018/957/UE du 28 juin 2018, JOUE L 173/16 du 9 juillet

Retourner à la liste des dépêches Imprimer